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La moralitĂ© de proposer la cryonie aujourd’hui

Un aperçu complet qui aborde la moralité de proposer la cryonie et les responsabilités des fournisseurs.
13 min read
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November 10, 2023
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Ethics
Dr. Emil Kendziorra

La biostase humaine (par exemple via la cryoprĂ©servation, gĂ©nĂ©ralement appelĂ©e cryonie) a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e pour la premiĂšre fois en 1967 sur le Dr James Bedford aprĂšs son dĂ©cĂšs dĂ» Ă  un cancer du rein. Depuis, 559 personnes ont Ă©tĂ© cryoprĂ©servĂ©es aprĂšs leur dĂ©cĂšs (lĂ©gal), et plus de 4 000 personnes se sont inscrites pour ĂȘtre cryoprĂ©servĂ©es aprĂšs leur mort Ă  l’avenir.

Pratiquement toutes les personnes qui s’inscrivent le font avec l’hypothĂšse que, si leur cerveau est bien prĂ©servĂ©, elles-mĂȘmes sont « prĂ©servĂ©es », y compris leurs souvenirs, leur personnalitĂ©, leur identitĂ© et leur conscience. Et qu’elles pourraient, potentiellement, ĂȘtre rĂ©animĂ©es une fois que la technologie mĂ©dicale aura suffisamment progressĂ©.

Bien qu’il soit aujourd’hui possible de choisir la cryoprĂ©servation — gĂ©nĂ©ralement par un accord de don du corps Ă  la science comme choix de fin de vie — il n’est pas encore possible d’inverser le processus et de rĂ©animer quelqu’un depuis la cryostase. En rĂ©alitĂ©, les prĂ©dictions quant Ă  la faisabilitĂ© et au moment oĂč cela pourrait ĂȘtre possible vont de « probable » Ă  « impossible », et de quelques dĂ©cennies Ă  plusieurs milliers d’annĂ©es — aucune de ces prĂ©visions n’étant fondĂ©e sur des argumentations ascendantes partiellement fiables.

NĂ©anmoins, un groupe de personnes en lente croissance choisit cette option, en faisant valoir que les autres choix de fin de vie (notamment la crĂ©mation et l’inhumation) ne laissent absolument aucune chance de vivre encore ou Ă  nouveau.

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Beaucoup a Ă©tĂ© Ă©crit sur le sujet, mais les considĂ©rations Ă©thiques et morales n’ont suscitĂ© qu’une attention limitĂ©e, en dehors de quelques discussions de haut niveau. Ici, nous nous concentrons sur la question morale de proposer la cryoprĂ©servation humaine (ou d’autres formes de biostase), c’est-Ă -dire : faut-il proposer la cryoprĂ©servation humaine malgrĂ© ses limites actuelles, et si oui, quelles responsabilitĂ©s et quels principes directeurs un fournisseur devrait-il respecter.Pour commencer, nous allons briĂšvement rappeler comment fonctionne la cryoprĂ©servation, oĂč en est la science, et pourquoi la rĂ©animation Ă  partir d’un Ă©tat cryoconservĂ© n’est actuellement pas possible.

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Cryopréservation humaine

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La cryoprĂ©servation humaine est une procĂ©dure mĂ©dico-scientifique avancĂ©e qui implique l’utilisation d’agents cryoprotecteurs et de tempĂ©ratures extrĂȘmement basses afin de prĂ©server un corps en limitant autant que possible les dommages. ThĂ©oriquement, un corps pourrait rester dans cet Ă©tat indĂ©finiment sans dĂ©gradation significative. Les procĂ©dures exactes utilisĂ©es pour cryoprĂ©server un patient peuvent varier selon les circonstances individuelles (par exemple, l’état du patient avant la dĂ©claration de dĂ©cĂšs ou le temps Ă©coulĂ© entre cette dĂ©claration et le dĂ©but de la procĂ©dure).

La logique fondamentale est la suivante : lorsque le cƓur d’une personne cesse de battre, ses cellules ne reçoivent plus d’oxygĂšne. Dans la plupart des cas, le corps ne peut survivre que 4 minutes environ sans oxygĂšne avant que des lĂ©sions cĂ©rĂ©brales (actuellement) irrĂ©versibles ne surviennent. Toutefois, abaisser la tempĂ©rature corporelle rĂ©duit le mĂ©tabolisme et, par consĂ©quent, la quantitĂ© d’oxygĂšne dont chaque cellule a besoin. Cela a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© dans des cas comme celui d’Anna BĂ„genholm, qui a survĂ©cu Ă  40 minutes d’arrĂȘt circulatoire dans un lac gelĂ© sans sĂ©quelles majeures.

À mesure que la tempĂ©rature corporelle baisse, le mĂ©tabolisme ralentit, puis, une fois un seuil suffisamment bas atteint, il s’interrompt presque complĂštement. Une fois que la tempĂ©rature descend sous ce que l’on appelle la tempĂ©rature de transition vitreuse (et si un agent cryoprotecteur a Ă©tĂ© utilisĂ©), un patient peut rester prĂ©servĂ© sans subir de dommages (supplĂ©mentaires) pendant des pĂ©riodes extrĂȘmement longues.

Atteindre et maintenir cet Ă©tat avec le moins de dommages possible est l’objectif principal de la premiĂšre Ă©tape de la cryoprĂ©servation. La seconde Ă©tape est la rĂ©animation, si et lorsque cela devient possible.

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État actuel de la science de la cryoprĂ©servation

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Selon les standards actuels, les premiĂšres cryoprĂ©servations Ă©taient assez rudimentaires. Ces premiers cas consistaient tous en une « congĂ©lation directe », c’est-Ă -dire que les patients Ă©taient refroidis jusqu’à la tempĂ©rature de l’azote liquide sans utilisation d’agents cryoprotecteurs (des types d’antigel de qualitĂ© mĂ©dicale), ce qui entraĂźnait une formation importante de glace dans l’ensemble du corps.

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Depuis ces dĂ©buts, les procĂ©dures de cryoprĂ©servation humaine se sont considĂ©rablement amĂ©liorĂ©es. Aujourd’hui, le sang du patient est retirĂ© puis remplacĂ© par des agents cryoprotecteurs spĂ©cialisĂ©s (ou CPAs), qui abaissent le taux de refroidissement critique (le taux nĂ©cessaire pour Ă©viter la formation de cristaux de glace) du corps. Ces CPAs sont hyperosmotiques, ce qui signifie qu’ils extraient l’eau des tissus environnants. Dans des conditions idĂ©ales, cela permet une cryoprĂ©servation avec trĂšs peu, voire quasiment aucune formation de glace. Les CPAs sont toxiques, c’est pourquoi les patients sont d’abord perfusĂ©s avec des concentrations trĂšs faibles. À mesure que la tempĂ©rature corporelle (et donc le mĂ©tabolisme) diminue, la concentration des CPAs est progressivement augmentĂ©e, afin de limiter la toxicitĂ© autant que possible.

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AprĂšs la perfusion, la tempĂ©rature est encore abaissĂ©e. Aux environs de -130 °C, la tempĂ©rature dite de transition vitreuse est atteinte : les tissus passent alors Ă  un Ă©tat vitrifiĂ© (un Ă©tat amorphe, semblable au verre). La tempĂ©rature est ensuite progressivement rĂ©duite jusqu’à -196 °C (ou -140 °C dans le cas d’un stockage Ă  tempĂ©rature intermĂ©diaire), sur une pĂ©riode de plusieurs jours Ă  plusieurs semaines, afin de minimiser le stress thermique. Enfin, le corps est placĂ© dans un dewar cryogĂ©nique pour un stockage Ă  long terme.

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MĂȘme s’il est aujourd’hui impossible de rĂ©animer un patient cryoprĂ©servĂ©, certaines recherches indiquent que la cryonie pourrait fonctionner. Des chercheurs ont rĂ©ussi Ă  cryoprĂ©server puis rĂ©animer des C. elegans tout en conservant clairement leur mĂ©moire. D’autres ont cryoprĂ©servĂ© puis rĂ©chauffĂ© un rein de lapin — une procĂ©dure rĂ©cemment reproduite avec succĂšs chez le rat. L’organe transplantĂ© a dĂ©montrĂ© une fonctionnalitĂ© complĂšte.

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MalgrĂ© cela, il faut reconnaĂźtre que la question de savoir si, quand et dans quel Ă©tat les patients cryoprĂ©servĂ©s pourraient ĂȘtre rĂ©animĂ©s reste spĂ©culative. Pour qu’une rĂ©animation soit possible, plusieurs problĂšmes fondamentaux et techniques doivent ĂȘtre rĂ©solus : la formation de glace, la toxicitĂ©, la technologie de rĂ©chauffement, ainsi que les rĂ©parations cellulaires et molĂ©culaires. Il pourrait Ă©galement exister des « inconnues inconnues », c’est-Ă -dire des Ă©lĂ©ments qui ne sont pas actuellement conservĂ©s mais qui devraient l’ĂȘtre (ou diffĂ©remment) pour que la rĂ©animation soit possible, mĂȘme en principe. Le livre Cryostasis Revival: The Recovery of Cryonics Patients through Nanomedicine de Robert A. Freitas Jr. est recommandĂ© pour approfondir ce qui serait nĂ©cessaire Ă  une rĂ©animation et comment elle pourrait ĂȘtre rendue possible (voir alcor.org/cryostasis-revival).

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Étant donnĂ© qu’il est incertain que les patients cryoprĂ©servĂ©s puissent un jour ĂȘtre rĂ©animĂ©s, la question se pose : est-il Ă©thique de proposer l’option de cryoprĂ©servation — et si oui, comment ?

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La cryonie comme "dernier recours"

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Tout d’abord, il est important de noter que la cryoprĂ©servation n’est proposĂ©e qu’en dernier recours. Elle est exclusivement pratiquĂ©e aprĂšs la dĂ©claration lĂ©gale de dĂ©cĂšs, lorsque toutes les autres interventions mĂ©dicales ont Ă©chouĂ© Ă  maintenir le patient en vie.

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Il existe certains prĂ©cĂ©dents mĂ©dicaux et juridiques qui permettent de prendre des dĂ©cisions dans des situations similaires. Bien qu’ils ne soient pas directement comparables, ils donnent des indications sur la maniĂšre d’agir dans ces cas. Le principe du « Compassionate Use » (Ă©galement appelĂ© accĂšs Ă©largi, accĂšs prĂ©coce, etc.) permet Ă  des personnes atteintes de maladies graves ou mortelles d’avoir accĂšs Ă  des traitements mĂ©dicaux non encore approuvĂ©s. Dans certains pays europĂ©ens (comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Autriche ou l’Espagne), le gouvernement est mĂȘme tenu de prendre en charge le coĂ»t de ces traitements expĂ©rimentaux pour les personnes rĂ©pondant Ă  certains critĂšres. Le « Right to Try Act » aux États-Unis Ă©tablit un prĂ©cĂ©dent similaire, en donnant aux patients en phase terminale le droit d’accĂ©der Ă  de nombreux traitements qui n’ont pas encore terminĂ© le processus d’approbation de la FDA.

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Bien que ces exemples soient encadrĂ©s par certains mĂ©canismes rĂ©glementaires et d’approbation, on peut soutenir que la cryoprĂ©servation humaine repose sur une logique comparable. En principe, il devrait revenir Ă  l’individu de dĂ©cider quelle option potentiellement prolongatrice de vie il souhaite tenter, lorsque toutes les autres ont Ă©chouĂ©. De plus, dans le cas de la cryoprĂ©servation, aucun fonds public (dans aucun pays) n’est utilisĂ© pour financer l’intervention. Le coĂ»t de la procĂ©dure est entiĂšrement Ă  la charge de la personne qui souhaite y avoir recours.

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Ce droit a Ă©tĂ© confirmĂ© par des dĂ©cisions de justice dans certains pays, comme celle rendue par la Haute Cour du Royaume-Uni, qui a accordĂ© Ă  une jeune fille de 14 ans en fin de vie le droit d’ĂȘtre cryoprĂ©servĂ©e, Ă©tablissant ainsi un prĂ©cĂ©dent juridique reconnaissant la cryoprĂ©servation comme une option de fin de vie valide.

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Enfin, et surtout dans les pays occidentaux, la sociĂ©tĂ© repose sur le principe fondamental selon lequel les individus peuvent faire un large Ă©ventail de choix tant qu’ils ne portent pas atteinte aux autres. La cryoprĂ©servation humaine n’impacte que les finances et le corps de la personne qui choisit d’y avoir recours. Elle n’a donc qu’un potentiel minime de causer du tort Ă  d’autres individus ou Ă  la sociĂ©tĂ© dans son ensemble.

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Facteurs Ă  prendre en compte

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Le consentement éclairé

Un principe fondamental de l’éthique et du droit mĂ©dical est le consentement Ă©clairĂ©, qui stipule qu’un patient doit disposer d’informations suffisantes et d’une comprĂ©hension adĂ©quate avant de prendre des dĂ©cisions concernant ses soins mĂ©dicaux. Cela inclut la comprĂ©hension et l’accord concernant :

a) la nature de la procédure,
b) les risques et les bénéfices de la procédure,
c) les alternatives raisonnables,
d) les risques et bénéfices de ces alternatives.

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Pour les procédures expérimentales non standard, garantir un véritable consentement éclairé est particuliÚrement important. La cryopréservation entre clairement dans cette catégorie.

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Pour que le consentement éclairé soit valide dans le cadre de la cryopréservation, le membre ou patient doit comprendre les éléments suivants :

  • Personne ne peut dire quand la rĂ©animation aprĂšs cryoprĂ©servation sera possible, ni mĂȘme si elle l’est en principe.
  • MĂȘme si la rĂ©animation est thĂ©oriquement possible, la qualitĂ© individuelle de prĂ©servation pourrait ĂȘtre faible, l’organisation pourrait cesser ses activitĂ©s, ou des facteurs externes pourraient empĂȘcher toute tentative de rĂ©animation.
  • MĂȘme si la rĂ©animation est possible, elle pourrait entraĂźner des limitations physiques ou mentales causĂ©es par la cryoprĂ©servation ou la procĂ©dure de rĂ©animation.
  • La cryoprĂ©servation est coĂ»teuse et doit ĂȘtre financĂ©e entiĂšrement par la personne concernĂ©e.
  • Le fonctionnement de la procĂ©dure, y compris le stockage Ă  long terme et la rĂ©animation potentielle, doit ĂȘtre compris.
  • Les personnes qui s’inscrivent pour une cryoprĂ©servation ont une responsabilitĂ© rĂ©elle pour s’assurer que leur prĂ©servation puisse ĂȘtre rĂ©alisĂ©e, et ce avec un niveau de qualitĂ© Ă©levĂ©.

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Assurer le consentement Ă©clairĂ© n’est pas la responsabilitĂ© de la personne qui s’inscrit, mais celle de l’organisation qui fournit le service, tout comme un mĂ©decin est tenu de garantir le consentement Ă©clairĂ© pour une intervention mĂ©dicale.

Dans le cas de la cryoprĂ©servation, ce consentement est particuliĂšrement complexe, car les risques et bĂ©nĂ©fices ne peuvent ĂȘtre qu’estimĂ©s. Il ne sera probablement pas possible de fournir une description complĂšte de ces Ă©lĂ©ments pendant plusieurs dĂ©cennies — voire uniquement aprĂšs que des rĂ©animations aient Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es avec succĂšs au moins quelques fois.

Bien que cela rende le processus de consentement Ă©clairĂ© plus difficile, ce n’est pas fondamentalement diffĂ©rent des cas relevant du Compassionate Use ou du Right to Try Act, oĂč des informations prĂ©cises sur les rĂ©sultats ne sont pas non plus disponibles.

D’un point de vue pratique, garantir un consentement Ă©clairĂ© pour la cryoprĂ©servation est un processus en plusieurs Ă©tapes, qui ne dispose pas encore de normes largement reconnues comme c’est le cas en mĂ©decine (oĂč elles sont d’ailleurs lĂ©galement obligatoires).

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Nous proposons de combiner les méthodes suivantes :

  • Fournir des informations complĂštes mais faciles Ă  comprendre dĂ©crivant la procĂ©dure, les risques internes, les risques externes, les bĂ©nĂ©fices et les scĂ©narios d’échec potentiels. (Exemple : https://www.tomorrow.bio/informed-consent)
  • Donner la possibilitĂ© d’approfondir davantage en cas de questions ou de doutes persistants.
  • Tenter d’organiser des conversations individuelles avec les personnes intĂ©ressĂ©es par l’inscription afin de mieux comprendre leur Ă©tat d’esprit et leur niveau de comprĂ©hension du sujet.
  • Inclure les informations pertinentes dans le contrat de cryoprĂ©servation ou en annexe.
  • Ne jamais prĂ©senter — ni explicitement ni implicitement — la cryoprĂ©servation comme autre chose qu’une simple possibilitĂ© de rĂ©animation future (ne pas laisser entendre que le succĂšs est probable, certain ou garanti
).
  • S’assurer que la personne comprend clairement que les probabilitĂ©s de succĂšs et les dĂ©lais sont inconnus.

L’élĂ©ment clĂ© est la combinaison de toutes ces approches. Une ou deux d’entre elles ne doivent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme suffisantes. Toutes doivent ĂȘtre proposĂ©es, et Ă  l’exception des entretiens individuels (qui sont difficiles Ă  rendre obligatoires), elles devraient ĂȘtre exigĂ©es.

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Coût

Dans le passĂ©, actuellement, et probablement encore pour longtemps, la cryoprĂ©servation reste prohibitivement coĂ»teuse pour une grande partie de la population. Le coĂ»t d’une cryoprĂ©servation corporelle complĂšte se situe gĂ©nĂ©ralement autour de 200 000 EUR/USD, selon le prestataire. Il existe des options plus abordables, mais elles impliquent souvent — en moyenne — des compromis sur la qualitĂ©, ce qui ne devrait pas ĂȘtre la solution face au problĂšme du coĂ»t Ă©levĂ©. D’autres options, qui consistent Ă  ne prĂ©server que le cerveau ou la tĂȘte, coĂ»tent environ 60 000 Ă  90 000 EUR/USD.

Deux questions principales se posent à propos du coût :
a) Est-il acceptable qu’une personne dĂ©pense d’importantes sommes d’argent pour sa propre cryoprĂ©servation alors que d’autres causes pourraient gĂ©nĂ©rer plus d’annĂ©es de vie ajustĂ©es par la qualitĂ© (QALYs) ?
b) Quelle est la responsabilité du prestataire de cryopréservation concernant les coûts ?
(À noter : certains arguments suggĂšrent que la cryoprĂ©servation pourrait justement conduire Ă  une augmentation importante des QALYs.)

En médecine, un débat existe depuis longtemps sur ce que la société peut ou doit financer pour prolonger la vie dans les cas de maladies en phase terminale. Dans la pratique, la plupart des sociétés occidentales dépensent des sommes considérables, avec une part énorme des coûts de santé concentrée sur les derniÚres années de vie.

Au-delĂ  de ces dĂ©penses publiques (par exemple via les systĂšmes d’assurance maladie), la sociĂ©tĂ© accepte qu’un individu dĂ©pense, en thĂ©orie, la totalitĂ© de son propre argent pour tenter de prolonger sa vie avec des traitements expĂ©rimentaux. De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, on considĂšre habituellement que chaque individu est libre de dĂ©cider comment il utilise ses ressources financiĂšres.

Tant qu’il est acceptable d’utiliser son argent pour financer des traitements expĂ©rimentaux contre le cancer, ou — de façon plus extrĂȘme — pour acheter une deuxiĂšme voiture de luxe, alors la cryoprĂ©servation doit logiquement ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme acceptable Ă©galement. Tout le monde ne la jugera pas « nĂ©cessaire », de la mĂȘme maniĂšre qu’une voiture de luxe ne l’est pas, mais elle est gĂ©nĂ©ralement jugĂ©e socialement acceptable.

En revanche, nous estimons que la cryoprĂ©servation ne devrait pas ĂȘtre prise en charge par des systĂšmes de santĂ© publics ou Ă©quivalents tant que son efficacitĂ© n’est pas prouvĂ©e. Ces systĂšmes sont censĂ©s optimiser les rĂ©sultats moyens (souvent mesurĂ©s en QALYs) et imposent un niveau Ă©levĂ© de preuve avant remboursement.

Quoi qu’il en soit, il est impĂ©ratif de faire baisser le coĂ»t de la cryoprĂ©servation. De la mĂȘme maniĂšre qu’il est inacceptable (mais malheureusement presque inĂ©vitable pour le moment) que certains traitements mĂ©dicaux soient rĂ©servĂ©s aux plus riches, il est inacceptable que la cryoprĂ©servation exige une richesse personnelle importante. IdĂ©alement, le choix de la cryoprĂ©servation ne devrait dĂ©pendre que d’une rĂ©flexion individuelle sur ses valeurs et prioritĂ©s, et non de ses moyens financiers.

Malheureusement, il est probable que cet idĂ©al ne soit pas atteignable avant de nombreuses annĂ©es, voire dĂ©cennies. En thĂ©orie, la cryoprĂ©servation pourrait ĂȘtre rĂ©alisĂ©e Ă  trĂšs faible coĂ»t si elle Ă©tait pratiquĂ©e Ă  grande Ă©chelle — mais c’est justement ce facteur d’échelle qui pose problĂšme. Actuellement, moins de 50 cryoprĂ©servations sont effectuĂ©es chaque annĂ©e par l’ensemble des prestataires, ce qui est trĂšs insuffisant pour faire baisser les coĂ»ts de maniĂšre significative.

Petit apartĂ© sur les principaux postes de coĂ»t d’une cryoprĂ©servation :

  1. L’équipe mĂ©dicale / SST
  2. L’azote liquide
  3. Le personnel pour l’entretien du stockage à long terme
  4. Les coĂ»ts d’infrastructure de l’installation (au prorata)

À long terme, si plusieurs centaines ou milliers de cryoprĂ©servations Ă©taient rĂ©alisĂ©es dans une mĂȘme rĂ©gion (par exemple en Europe), tous ces coĂ»ts pourraient diminuer d’un ordre de grandeur. Le coĂ»t de l’azote liquide, par exemple, serait rĂ©duit avec des rĂ©servoirs plus grands (voire des installations Ă  l’échelle d’une piĂšce). Les coĂ»ts de personnel et d’équipe mĂ©dicale seraient rĂ©partis entre beaucoup plus de patients, et les infrastructures reprĂ©senteraient un investissement initial quasi unique, avec des coĂ»ts marginaux faibles par patient supplĂ©mentaire.

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À toutes fins utiles, nous devons partir du principe que le changement d’échelle ne permettra pas de rĂ©duire les coĂ»ts de maniĂšre significative dans un avenir proche. Il devrait nĂ©anmoins ĂȘtre de la responsabilitĂ© des fournisseurs de cryoprĂ©servation de rendre ce service accessible indĂ©pendamment du niveau de richesse.

Il existe trois voies fondamentales pour faire baisser les coûts :

  1. CroĂźtre aussi rapidement que possible afin d’atteindre l’échelle Ă©voquĂ©e prĂ©cĂ©demment.
  2. Adapter les procĂ©dures ou le modĂšle sans rĂ©duction significative de la qualitĂ© de prĂ©servation, sur la base des meilleures estimations actuelles. Certaines approches relĂšvent probablement de cette catĂ©gorie et devraient ĂȘtre mises en Ɠuvre par les fournisseurs.
  3. Proposer des options à coût réduit, comme la préservation du seul cerveau (neuro preservation).

À cela peuvent s’ajouter d'autres mĂ©canismes de compensation, comme :

  • Un modĂšle fondĂ© sur les ressources, dans lequel les membres les plus fortunĂ©s paient davantage afin de subventionner des cryoprĂ©servations Ă  faible revenu.
  • Accepter ou soutenir des cas de cryoprĂ©servation pro bono (sur critĂšres sociaux), Ă  condition que cela n’affecte pas la stabilitĂ© Ă  long terme de l’organisation — par exemple, en recourant Ă  des sites de stockage tiers financĂ©s par des dons.

Il existe Ă©galement la possibilitĂ© d’adapter les procĂ©dures avec une rĂ©duction potentielle de la qualitĂ© de prĂ©servation. Certaines formes de cryoprĂ©servation peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©es Ă  partir de 10 000 EUR, mais au prix d’une baisse significative de qualitĂ© en moyenne, ainsi que de moindres fonds pour l’entretien Ă  long terme. Avec plus de financement, la qualitĂ© peut ĂȘtre augmentĂ©e par paliers successifs — avec un seuil critique autour de 30 000 Ă  50 000 EUR, selon la distance Ă  une installation de cryoprĂ©servation.

Comme il est impossible aujourd’hui de savoir quel degrĂ© de dommage pourra ĂȘtre rĂ©parĂ© dans le futur, ni Ă  quoi ressembleront les scĂ©narios de rĂ©animation possibles (le livre Cryostasis Revival de Robert Freitas apporte des indications positives Ă  ce sujet), on peut dĂ©fendre l’idĂ©e que la cryoprĂ©servation devrait ĂȘtre rĂ©alisĂ©e mĂȘme Ă  un niveau de qualitĂ© infĂ©rieur Ă  l’idĂ©al, s’il n’existe pas d’autre option rĂ©aliste.

La question complexe ici est celle du consentement éclairé :
Il faut que cela soit clairement expliquĂ©, notamment que toute baisse de qualitĂ© peut ĂȘtre extrĂȘmement prĂ©judiciable, et que certains chercheurs estiment qu’une qualitĂ© trop faible rendrait toute rĂ©animation impossible.
Une telle option ne devrait probablement pas ĂȘtre proposĂ©e dans une logique d’« économie », mais uniquement dans les cas oĂč la prĂ©servation ne serait autrement pas rĂ©alisable du tout.

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Communication publique / ActivitĂ©s de “marketing”

Si l'on prend en compte la morale, proposer des services de cryoprĂ©servation est diffĂ©rent de faire du marketing pour ces services. En effet, le marketing, au sens traditionnel de « pousser quelqu’un Ă  faire quelque chose », ne devrait pas ĂȘtre pratiquĂ©, car cela irait Ă  l’encontre de l’exigence de consentement Ă©clairĂ©. Le « marketing » devrait plutĂŽt viser Ă  informer sur le sujet de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, sur la disponibilitĂ© du service, et Ă  rester disponible pour des discussions et des questions.

En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, plus l’audience est large et plus les activitĂ©s doivent ĂȘtre restrictives, selon les canaux utilisĂ©s. Par exemple, sur des canaux de performance (comme Google Ads) et en fonction des mots-clĂ©s sĂ©lectionnĂ©s et du ciblage, on peut supposer que les personnes qui effectuent des recherches sur le sujet disposent dĂ©jĂ  d’un certain niveau de connaissance prĂ©alable leur permettant de prendre une dĂ©cision Ă©clairĂ©e. En revanche, sur des canaux Ă  large portĂ©e comme la tĂ©lĂ©vision ou les relations publiques, il faut supposer qu’un nombre significatif de personnes entendront parler du sujet pour la premiĂšre fois (du moins de maniĂšre concrĂšte), ce qui nĂ©cessite une approche de communication encore plus neutre.

La question demeure : les informations de consentement Ă©clairĂ© doivent-elles ĂȘtre entiĂšrement incluses dans les messages de communication publique / marketing ? Ou est-il suffisant que le consentement Ă©clairĂ© soit assurĂ© au moment de la signature de l’accord ?

Toute communication publique ne devrait probablement pas ĂȘtre totalement dĂ©pourvue d’informations de type consentement Ă©clairĂ©. Cela est d’autant plus important si l’on utilise des canaux Ă  large portĂ©e.

Il existe des prĂ©cĂ©dents en mĂ©decine avec une grande diversitĂ© d’approches selon les pays. Dans certains pays, le marketing pour des traitements mĂ©dicaux ou des mĂ©dicaments est fortement restreint, et la dĂ©cision de recommander une option thĂ©rapeutique revient presque exclusivement au mĂ©decin traitant. Dans d’autres pays, le marketing est beaucoup plus courant, voire agressif (par exemple, le marketing mĂ©dical ou pharmaceutique aux États-Unis). Bien que certaines mentions lĂ©gales doivent y ĂȘtre incluses, elles ne rĂ©pondent pas aux critĂšres d’un vĂ©ritable consentement Ă©clairĂ©. Dans ces cas, le consentement Ă©clairĂ© doit ĂȘtre obtenu par le mĂ©decin avant la mise en Ɠuvre du traitement.

Lorsqu’un « chemin d’accĂšs » Ă©tabli existe (par exemple, via des mĂ©decins), il est possible d’ĂȘtre trĂšs restrictif sur ce qui est autorisĂ© dans la communication publique. Mais dans le cas de la cryoprĂ©servation, ce chemin n’existe pas encore. Ne pas faire de communication publique ou de marketing aurait pour effet que certaines personnes, qui auraient pourtant donnĂ© un consentement Ă©clairĂ© complet, n’entendraient jamais parler du sujet, ce qui peut aussi poser un problĂšme moral.

La communication publique / le marketing expose davantage de personnes au sujet — ce qui est Ă©videmment nĂ©cessaire pour qu’elles puissent ensuite peser le pour et le contre, et prendre une dĂ©cision Ă©clairĂ©e. En fin de compte, les organisations doivent trouver un Ă©quilibre entre une communication trop prĂ©sente ou trop absente.

MĂȘme si la communication publique / le marketing est sans doute nĂ©cessaire, acceptable ou utile Ă  un certain degrĂ©, les fournisseurs de biostase devraient aborder le sujet avec prudence. Ils devraient notamment Ă©viter tout langage ou message qui pourrait donner un faux sentiment de certitude quant aux chances de succĂšs de la cryoprĂ©servation et de la rĂ©animation ultĂ©rieure.

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Structure organisationnelle‍

AprĂšs qu'une personne s’est inscrite pour ĂȘtre cryoprĂ©servĂ©e aprĂšs son dĂ©cĂšs (lĂ©gal), c’est Ă  l’organisation qu’il revient de s’assurer que le patient reste en cryostase pour une durĂ©e indĂ©finie, jusqu’à ce qu’il soit (potentiellement) possible, dans le futur, d’inverser le processus et de restaurer sa vie.
Bien que le patient doive contribuer Ă  cette stabilitĂ© et cette sĂ©curitĂ© — par exemple, en s’assurant que tous les documents sont en ordre (contrat de cryoprĂ©servation, etc.) —, comme pour le consentement Ă©clairĂ©, cela reste ultimement la responsabilitĂ© de l’organisation.

Quatre éléments sont essentiels à une structure organisationnelle responsable :

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  1. Le stockage doit ĂȘtre exclusivement assurĂ© par des organisations Ă  but non lucratif.
    Les organisations Ă  but lucratif ne sont pas conçues pour exister pendant, potentiellement, des centaines d’annĂ©es, et peuvent difficilement garantir une continuitĂ© de mission Ă  long terme.
  2. Il doit exister une structure de gouvernance solide pour s’assurer que les intĂ©rĂȘts des patients prĂ©servĂ©s soient Ă©quitablement reprĂ©sentĂ©s. Cette mission et cet alignement doivent ĂȘtre gravĂ©s dans le marbre, par exemple dans des statuts pratiquement inaltĂ©rables.
    Il devrait aussi exister une liste stricte de critùres pour toute personne souhaitant participer à la gestion de l’organisation :
    • avoir une longue expĂ©rience dans le domaine de la biostase,
    • ne pas avoir d’intĂ©rĂȘt financier,
    • et surtout, ĂȘtre soi-mĂȘme inscrit pour ĂȘtre cryoprĂ©servĂ©.
  3. Il doit y avoir un plan financier stable et solide, pour garantir que l’organisation puisse fonctionner pendant des dĂ©cennies, des siĂšcles, voire plus.
    Par exemple, les fonds nĂ©cessaires Ă  l’entretien de la cryoprĂ©servation (principalement le coĂ»t de l’azote liquide, le personnel, l’infrastructure) doivent ĂȘtre financĂ©s par les intĂ©rĂȘts / rendements gĂ©nĂ©rĂ©s Ă  partir d’un fonds dĂ©diĂ© Ă  la conservation des patients, investi dans des actifs Ă  faible risque.
    Cela est nĂ©cessaire car on ne sait pas quand une rĂ©animation pourrait ĂȘtre possible, donc les financements doivent pouvoir durer indĂ©finiment.
  4. Il doit exister une séparation claire entre les opérations quotidiennes et le stockage à long terme.
    La gestion juridique et financiĂšre des fonds des patients pour la cryoprĂ©servation Ă  long terme devrait ĂȘtre confiĂ©e Ă  une entitĂ© construite spĂ©cialement pour cela, et qui ne fait rien d’autre.
    Dans la majorité des cas, une fondation ou une fiducie (trust) est la structure la plus adaptée.

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Recherche et Développement (R&D)

Toute organisation qui propose la cryoprĂ©servation humaine (ou qui participe au domaine d’une quelconque maniĂšre) doit allouer des ressources Ă  la recherche et au dĂ©veloppement (R&D). Cela inclut la conduite, le financement et la promotion de la recherche.
Sans un effort massif de recherche, la rĂ©animation des patients cryoprĂ©servĂ©s ne deviendra pas possible — ou seulement si des rĂ©sultats scientifiques extĂ©rieurs Ă  la cryoprĂ©servation peuvent ĂȘtre appliquĂ©s Ă  la rĂ©animation cryonique.

La recherche (tout comme le consentement Ă©clairĂ©) pourrait ĂȘtre le facteur dĂ©cisif entre une cryoprĂ©servation moralement discutable (voire inacceptable) et une cryoprĂ©servation moralement neutre ou mĂȘme justifiable.

En fonction des ressources disponibles, les activités de recherche devraient couvrir tout ou partie des domaines suivants (certains ne sont pas toujours clairement séparés) :

  • ImplĂ©mentation : mise en Ɠuvre de connaissances mĂ©dicales ou cryobiologiques existantes dans les procĂ©dures de cryoprĂ©servation.
  • DĂ©veloppement / IngĂ©nierie : techniques de perfusion amĂ©liorĂ©es, nouvelles mĂ©thodes de refroidissement pour la stabilisation.
  • Recherche appliquĂ©e / translationnelle : amĂ©lioration des agents cryoprotecteurs (CPA) avec des agents facilitant le passage de la barriĂšre hĂ©mato-encĂ©phalique, optimisation pour rĂ©duire la toxicitĂ©.
  • Recherche fondamentale : dĂ©veloppement de nouvelles techniques de rĂ©chauffement cohĂ©rentes et uniformes, nouvelles approches pour la conception des CPA.

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Résumé

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Proposer des services liĂ©s Ă  la mĂ©decine implique toujours une multitude de considĂ©rations Ă©thiques et morales complexes. La cryoprĂ©servation humaine entre clairement dans cette catĂ©gorie. Les organisations qui offrent ce service doivent Ă©voluer avec rigueur dans un cadre Ă©thique strict. Parmi ces principes, le consentement Ă©clairĂ© est de loin le plus important. Toute personne souhaitant ĂȘtre cryoprĂ©servĂ©e doit comprendre clairement que la cryoprĂ©servation n’est actuellement pas rĂ©versible, qu’il n’est pas certain que les dommages puissent ĂȘtre rĂ©parĂ©s Ă  l’avenir, et qu’on ignore si, quand, et dans quelles conditions une rĂ©animation sera un jour possible.

D’autres exigences doivent ĂȘtre respectĂ©es, mais si elles le sont de maniĂšre attentive et rigoureuse, les auteurs estiment que la cryoprĂ©servation humaine est aujourd’hui moralement acceptable — voire justifiĂ©e.

Enfin, ce sujet est hautement complexe, et nous souhaitons le discuter avec une communautĂ© plus large. Les opinions varient (souvent fortement), et des Ă©volutions sont Ă  prĂ©voir dans les annĂ©es et dĂ©cennies Ă  venir. N’hĂ©sitez pas Ă  nous contacter si vous souhaitez partager votre point de vue — qu’il soit en accord ou en dĂ©saccord avec les positions exprimĂ©es ici.

 

Conflits d’intĂ©rĂȘts

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Les auteurs dĂ©clarent les conflits d’intĂ©rĂȘts suivants :
EFK est le fondateur d’une fondation Ă  but non lucratif dĂ©diĂ©e Ă  la recherche en cryoprĂ©servation (European Biostasis Foundation), ainsi que d’un fournisseur de cryoprĂ©servation (Tomorrow Bio), dont il est Ă©galement le directeur gĂ©nĂ©ral.
RZ a travaillĂ© prĂ©cĂ©demment pour un fournisseur de cryoprĂ©servation (Tomorrow Bio) et co-administre un serveur communautaire. Tous deux sont Ă©galement titulaires d’un contrat de cryoprĂ©servation.

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